Réincarnation Hostile – extrait

Réincarnation Hostile sera disponible sur Amazon en 2021. Voici le premier chapitre du livre :


LIVRE 1 — RONIN

Japon, XVIe siècle

Le soleil brille dans un ciel d’une absolue pureté, dupliqué en estampe dans le miroir bruissant d’un lac de montagne, tel un disque en fusion ondulant au milieu des eaux claires. Des oiseaux virevoltent en ellipses gracieuses autour d’un piton anguleux. D’une grotte s’écoule une cascade limpide. Elle achève sa chute en brume tumultueuse le long des rochers, où s’étend une forêt à perte de vue. Des bambous verdoyants s’entrechoquent dans le vent, battant la mesure, tandis que les plus anciens, jaunis et brisés, sifflent par leurs fissures une mélodie de flûte suraiguë.

À proximité du lac sommeille un antique temple aux trois quarts recouvert de végétation séculaire, amalgame de mousses multicolores et de fougères rehaussées de plantes grimpantes plus foncées. Entre les allées de cerisiers en fleur, les statues érodées d’Amaterasu la bienveillante, de Raiden le dieu du tonnerre et d’Ama-Tsu-Mara le patron des forgerons côtoient les majestueux dragons célestes et les vifs animaux qui jadis inspirèrent les moines créateurs des arts martiaux.

Un pont de bois, à la peinture rouge écaillée, enjambe le cours d’eau sinueux qui provient de la cascade.
À une extrémité du pont, un petit homme avec une cape et un large chapeau en paille de riz se tient en équilibre sur la rambarde. Il tourne la tête vers sa gauche, le visage noyé dans l’ombre de sa coiffe. Seuls ses yeux reflètent le soleil.

En face, sur la berge du temple, émerge une silhouette gracile : un guerrier, du moins peut-on le supposer en apercevant la forme d’une épée courbe à sa ceinture.

Le guerrier marque un temps d’arrêt, l’instant d’une sereine respiration, puis il avance calmement. Le claquement cadencé de ses semelles de bois sur les lattes du pont semble en étrange harmonie avec la nature ; écho synchronisé au clapotis de l’eau, au concert des bambous, au murmure des feuilles. Dans son dos, le soleil levant projette des halos irréels qui crépitent en arcs-en-ciel autour de sa silhouette.

Alors qu’il passe sous un cerisier et échappe au contre-jour, il prend une forme distincte. Il s’agit bien d’un samouraï, vêtu de soie sobrement peinte de motifs géométriques et paré des nobles armes de son rang.

Il place délicatement la main gauche sur le fourreau du sabre, juste au-dessous de la garde sculptée en fleur de lotus, et s’immobilise au milieu du pont. C’est avec stupeur que nous découvrons un enfant ! Son regard n’en est pas moins déterminé, plus intense que le feu de l’aurore.

Le petit homme au chapeau de paille donne son aval.

L’enfant tire l’épée et exécute avec grâce un enchaînement le long du pont. Il avance, la lame fend l’air et les saisons passent, car il répète inlassablement les mêmes mouvements : le jeune épéiste écarte, sans les trancher, des pétales de cerisier que le vent lui amène ; un orage éclate, il fait tournoyer le sabre au-dessus de sa tête et reste au sec ; la neige tombe autour de lui, la lame sectionne un flocon.

Le guerrier termine son kata à l’autre bout du pont, les cheveux enneigés, mais c’est maintenant un adolescent, plus robuste, le regard aussi intense qu’au départ. Le vieux maître, toujours sur la rambarde dans la même position, esquisse un sourire approbateur. Son élève a bien appris au fil des ans.

Alors que la nuit s’installe, la forêt s’enrobe de néant et les sapins albâtres aux branches lourdes de givre se fondent dans la noirceur du ciel. Des lucioles s’éveillent et dansent avec les étoiles en galaxies mouvantes autour du lac. Les nuages s’éclipsent et la lune nimbe le temple d’un voile diaphane, faisant scintiller d’argent la cascade au cœur des ténèbres.

L’enseignement du maître se poursuit, respectueux des traditions, résonnant de sagesse : « La Voie du Sabre est plus qu’un apprentissage martial, jeune Takeshi, c’est une leçon de vie. La quête perpétuelle de l’harmonie qui transcende l’homme et lui fait atteindre sa place au sein de l’univers, au-delà du combat et même du temps… »

Le soleil brille à nouveau sur un paysage estival.

L’adolescent court dans un champ fleuri à l’orée du bois. Il saute, bien plus haut qu’un acrobate émérite : un bond que même un puissant tigre ne pourrait réussir. Il tire son épée en plein vol et se reçoit souplement une dizaine de mètres plus loin, à côté d’un rocher. Il termine le mouvement en sectionnant la pierre en deux, comme une simple boulette de riz.
Il rengaine l’épée et lève la tête vers les arbres.

Perché à la cime d’un immense sapin comme si la gravité n’avait aucune prise sur lui, le visage toujours enfoui dans l’ombre de son chapeau de paille et sa cape claquant au vent, le vieux maître approuve d’un hochement de tête. Son jeune élève découvre l’usage de l’énergie intérieure, une technique réservée aux plus doués des pratiquants d’arts martiaux, et il s’exerce déjà à projeter son « Ki » pour décupler le tranchant de son katana ou frapper à distance avec une surprenante acuité.

Sans attendre, l’adolescent repart en courant et s’enfonce dans le sous-bois ; c’est un jeune homme qui enjambe une souche et poursuit dans le lit d’une rivière — les années ont encore passé, l’entraînement s’est répété des milliers de fois jusqu’à la perfection. Le jeune homme stoppe net, tire son sabre, pousse un cri et la lame fend l’air. L’eau s’écarte de part et d’autre de la rivière, en deux longues vagues qui fusent en avant sur plusieurs mètres !

Le jeune guerrier reste immobile comme une statue, l’épée baissée, alors que les gouttelettes retombent au ralenti devant lui, réfléchissant le soleil en rotations d’hexagones. Il relève son katana : un poisson frétille planté au bout de la lame.

Alors il sourit de bon cœur à son maître, assis en tailleur sur la rive, qui ne peut s’empêcher de plisser discrètement les yeux de satisfaction, même si pour la forme il hausse les épaules d’un air nonchalant.

Le soir, accroupis autour du feu de camp sous la protection des kamis — les esprits de la forêt — maître et élève dégustent le poisson grillé, s’accordant un moment de repos mérité…
Telle fut la formation de Takeshi Osuki sous la tutelle du meilleur sensei — grand maître des arts martiaux — du Japon. Et, ainsi, acquit-il à l’âge de seize ans le potentiel pour devenir un incomparable samouraï.

Mais si son apprentissage fut remarquable et mériterait à lui seul plusieurs rouleaux de parchemin afin que les élèves d’aujourd’hui s’en inspirent, il reste anecdotique en regard de son combat contre les forces des ténèbres, au cours duquel il put vérifier l’enseignement de son maître, atteindre à son tour l’excellence et entrer dans la légende.

Mais n’avançons pas trop vite dans le temps !

Reprenons là où débutèrent véritablement les aventures de Takeshi Osuki. Lorsque son vieux maître se retira au loin afin de méditer, Takeshi voyagea en quête d’honneur et commença à découvrir le monde. Ses pas le menèrent vers la province de Kyu, entre les villes de Kyoto et d’Osaka…

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Author: minddagger_com

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